Photographie de concert, mode d'emploi

Envie de réaliser de belles photos de concert, je te dis tout !

Comme d'autres, tu as peut-être déjà tenté de réaliser des photos lors de tes concerts préférés, mais tu as été déçu du résultat une fois revenu à la maison. Rassure-toi c'est normal !

En effet, les photos de concerts sont particulièrement exigeantes à réaliser car il faut savoir composer avec des contraintes fortes que sont : le manque de luminosité, des conditions de lumière changeantes genre : "mais qu'est-ce qu'il me fait l'ingé lumière là ? il peut pas arrêter avec son stroboscope !" et des sujets en mouvement ! Bref n'en jetez plus, le compte est bon pour que la proportion de photo "raté" (on reviendra là dessus) atteigne des sommets. 

Mais il y a toujours moyen de s'en sortir, et avec un peu de travail et quelques astuces, toi aussi tu vas pouvoir faire les photos de tes rêves ! Voici donc mes conseils pour réussir tes photos de concert !

Ce "mode d'emploi" se lit dans n'importe quel ordre, selon tes envies. Je t'invite cependant à le lire jusqu'à la fin car je pense que le plus important ce situe là. 

Il s'agit également de ma manière de faire, et cela ne remplacera pas ton expérience, qui te permettra de découvrir les méthodes, les astuces qui te conviennent. Tu peux rêver de faire de belles photos de concert, mais l'essentiel est de les faire et d'apprendre, avec humilité, à chaque fois que tu sors ton boitier, en te posant des questions et en observant le résultat obtenu. N'oublie pas non plus de te faire plaisir en faisant tes photos, c'est souvent bon signe !

Enfin si tu as des questions, n'hésite pas à me contacter en cliquant ici , je te répondrai avec grand plaisir.

Le matos / Quel matériel pour réaliser des photos de concert ?

Allez on attaque par ça, comme ça c'est fait ! Avant que tu me demandes, voici ce que j'utilise comme matériel, ensuite je te dirai comment t'en passer :-)

Boitiers : 

  • Canon EOS 6D
  • Canon EOS 5D Mark IV
  • Fuji XT30
  • Samsung S7 Edge

Optiques :

  • Canon 50 mm f: 1.4
  • Canon 80 mm f : 1.8
  • Canon 24-105 mm f : 4
  • Fuji X 18-55 mm f : 2.8-4

Post production : 

  • sous Adobe Lightroom et pour certaines photos passage par DXO Pure Raw avant

Bon, en voyant cette liste, tu te dis que même en ponçant grand-mère pour qu'elle gonfle tes étrennes à Noël parce que tu es un artiste incompris mais prochainement célèbre, tu n'as pas les moyens (tout de suite) d'investir dans ce type de matos. Mais voici comment t'en sortir ! 

Utilise le matos que tu as déjà : 

Oui, ça parait bête, mais au risque d'enfoncer une porte ouverte, ce n'est pas l'appareil qui fait le photographe loin de là (il y a moult exemple sur la toile de photos magiques réalisées avec des appareils datés ou parfois de simples jouets). Et puis tu as déjà un appareil sous la main, oui je veux parler de ton smartphone ! Les fabricants ont tous fait de gros progrès ces dernières années et ces appareils sont parfaitement valables. D'ailleurs, deux photos de mon portfolio sont prises avec mon Samsung S7 Edge (qui a maintenant 6 ans), je te laisse deviner lesquelles. 

Tu as un compact, très bien, un reflex APS-C tant mieux (on verra après comment s'en servir à bon escient), un hybride ou un full-frame, parfait, tu es déjà très bien équipé, tu peux zapper les paragraphes suivants. 

Regarde du coté de l'occasion : 

Oui, c'est pas parce que tu n'as pas le boitier de dernière génération que tu ne pourras pas prendre de belles photos loin de là. Je continue d'ailleurs à utiliser mon 6D (qui a 10 ans!) avec bonheur ! 

En occaz', tu peux parfaitement t'offrir, pour le coût d'un kit APS-C ou hybdride neuf, un Canon 5D Mark II avec un objectif fixe et tu auras déjà un très bon boitier dans les mains, capable de produire de superbes images. C'est le matériel qui équipait bon nombre de pro il y a une dizaine d'années et leurs photos étaient parfaitement valables ! 

Pour chiner, vas sur des sites de confiance, parfois même le matériel est encore garanti quelques mois : Camara Occasion et Images Photo sont deux réseaux sérieux, tu peux y aller les yeux fermés.

Les objectifs que je te recommande : 

Une bonne focale fixe lumineuse est préférable à un zoom pour les raisons suivantes : 

  • souvent de coût moindre que les zoom avec ouverture similaire (le chiffre après la lettre "f")
  • parfaite pour apprendre à cadrer
  • ouvertures disponibles entre f : 1.8 et f : 2
  • compacte, c'est un avantage certain quand tu es au milieu d'un pogo ou qu'il faut te faire discret pour ne pas gêner le public (je te laisse imaginer le truc si tu sors un 70-200 mm au premier rang...tu vas faire grogner du monde et probablement aussi les artistes qui sont davantage intéressé par le fait que les personnes venues les voir passent un bon moment, et donc n'ont pas en permanence un immense zoom devant eux)
  • te permet de réaliser une série cohérente, puisque tes photos seront toutes réalisées avec la même focale

Personnellement, 70% du temps j'utilise mon 50 mm f : 1.4 et il m'arrive d'aller à des concerts uniquement muni de mon boitier et de cet objo, c'est un peu mon matos de l'île déserte quoi. 

Sans aller jusqu'à une ouverture de f : 1.4, le f : 1.8 est très bien pour un coût modique. 

Attention : quand je parle de focale, je m'exprime toujours pour du capteur full-frame, si tu as un APS-C, il faudra diviser les chiffres annoncés par 1,5 et en micro 4/3 par 2. Donc dans mon exemple cela donne : 35 mm pour APS-C et 25 mm en micro 4/3 (mais 27mm ça va très bien aussi!)

Comment régler son appareil photo en concert ?

Tu as un boitier correct, tu as craqué 100€ pour un 50 mm 1.8 d'occasion, t'as fait le plein de cartes mémoire et de batteries, on passe maintenant aux réglages ! 

Les ISO

Qu'est-ce que c'est-y donc que cette bête ? 

Pour la faire courte, le réglage d'iso est le réglage de sensibilité de ton capteur. Plus le chiffre est bas (100, 200) plus il faut de lumière pour que ton appareil enregistre quelque chose qui ressemble à une photo bien exposée. A contrario, en condition de faible luminosité (un concert par exemple), il est nécessaire de monter cette valeur pour que ta photo ne ressemble pas à un rectangle sombre. 

En concert donc, 1600 ISO est souvent la base (en tout cas c'est de là que je pars). Et parfois, il faut monter bien plus haut, 2500, 3600, voir 6400. 

Alors, tu peux te dire, cool, je monte les ISO et ça va bien se passer. Oui mais...

En augmentant ta sensibilité ISO, en gros, tu dis à ton appareil : "boost-moi le capteur pour qu'il chope le moindre photon qui passe" et cela ne se fait pas sans casse. Ton capteur va certes capturer plus de lumière, mais il va être aussi plus sensible au bruit numérique. Grosso modo, comme les pixels sont électriquement "excités", il y en a certains qui vont rendre une information erronée occasionnant des pixels de couleur et de luminosité aberrantes sur ta photo. 

Donc passé 3600 iso, tu prends le risque, dans le cas où tu souhaites faire un tirage qui dépasse le A5, de voir ce bruit, qui le plus souvent est inesthétique. 

Mais estime toi heureux ! Car les constructeurs ont tous fait d'immenses progrès de ce côté, ce qui permet aujourd'hui de faire des photos qu'il n'était tout bonnement pas possible de faire du temps de l'argentique ! A l'époque, et c'est toujours le cas maintenant, les sensibilités iso des pellicules noir et blanc plafonnent à 3200 ISO et en couleur à 1600 ISO, au prix de beaucoup de grain. On est donc bien loin de ce que peuvent offrir les appareils numériques d'aujourd'hui en termes de performance en basse lumière.

De plus, tu vas pouvoir modifier ce réglage au cours de ton shoot pour t'adapter aux conditions de luminosité (entre une première et une deuxième partie de concert par exemple), ce qui n'est pas possible non plus en argentique. Une fois ta pellicule chargée, il faut aller jusqu'au bout des 36 poses pour changer celle-ci. 

Enfin des solutions logiciel existe aujourd'hui pour traiter de manière surprenante ce bruit, notamment DXO Pure Raw que j'utilise.

Attention : je précise que je suis un "analog lover" et que je continue d'utiliser mes boitiers argentiques 35 mm et moyen format avec un plaisir inégalé. Si je parle autant du numérique dans cette page, c'est que c'est un peu un incontournable aujourd'hui et que je ne vais pas conseiller à quelqu'un qui débute dans la photo de concert d'y aller avec quelques péloches dans le sac. Il gâcherait du film pour rien (sans parler du cout du développement) et serait encore plus frustré, ce qui ne l'encouragerait pas à continuer. 

Et le flash me direz-vous : alors, hormis pour le concert de tes potes dans le bar du coin, le flash n'est pas vraiment l'ami des artistes sur scène. Ils n'aiment pas se faire flashouiller la figure à tout va et cela se comprend ! C'est d'ailleurs la plupart du temps interdit. De plus, la couverture de ton flash sera probablement ridiculement faible pour bien exposer ton image dès que tu seras éloigné de plus de 2 m de la scène. Donc on oublie pour la scène, mais tu peux parfaitement le réserver pour les photos d'ambiance.  

L'ouverture 

J'ai déjà évoqué le fait que les conditions de lumières en concert sont la plupart du temps désastreusement faiblardes et on a vu que le réglage d'iso permettait de corriger le tir pour tenter d'obtenir des photos bien exposées, mais à lui seul, il ne suffit pas. C'est là qu'entre en jeu l'ouverture ou diaphragme.

Le diaphragme de ton objectif fonctionne comme l'iris de ton œil. Moins il y a de lumière, plus il doit être ouvert pour qu'une image puisse être saisie. 

D'où l'importance d'avoir un objectif dont l'ouverture mini est la plus faible possible. L'ouverture c'est le chiffre qui est précisé après le sigle " f: "

Tu verras probablement des objectifs qui ouvrent à f : 1,2. Ils sont excessivement lourds et onéreux et ne sont pas adaptés pour ce que l'on souhaite faire.  Je vais t'expliquer pourquoi. 

La photographie est toujours une histoire de concessions, de négociations avec des impératifs physiques qui sont liés au procédé photographique en tant que tel. 

Et manque de bol pour nous, la physique étant ce qu'elle est, l'ouverture est étroitement liée à la profondeur de champ.

La profondeur de champ, kesako ? Il s'agit simplement de la zone de netteté de ton image. Donc plus l'ouverture est petite, plus grandes seront les zones de ta photo qui seront floues

Dans le cas d'un objectif 50 mm f : 1.2, cette zone s'apprécie en mm. Parfait donc pour des portraits ou des photos d'objets immobiles quand on souhaite qu'ils se détachent nettement d'un fond flou, beaucoup moins dans le cas d'un concert où il est bien rare que les artistes ne bougent pas (quand ils ne sautent tout bonnement pas dans le public).

En effet, au moment où tu vas réaliser ta mise au point, le chanteur est à un endroit donné, tu mémorises la mise au point en appuyant à mi- course puis tu presses le déclencheur à fond pour faire ta photo mais ledit chanteur s'est déplacé entre temps. Ton appareil enregistre alors une photo dans laquelle ton sujet n'est plus situé dans la zone de netteté de ton objectif ouvert à pleine gomme, résultat, le sujet est flou. Too bad...et donc pas besoin de ce beau caillou qui ouvre à f:1,2 dont je parlais plus haut (ça fera toujours ça en plus dans le portefeuille !)

Pour ma part, même si je suis équipé en focale ouvrant en dessous de f : 2, je ne descends que très rarement en dessous de cette valeur car cela occasionne trop de déchets pour les raisons évoquées ci-dessus. 

Autre règle physique à prendre en compte également : plus ta focale est élevée, plus ta zone de netteté diminue

Quelle incidence pour toi ? 

Si tu possèdes un zoom et que tu fais une photo à 28 mm f : 2.8 et que tu passes à 70 mm tout en restant à la même ouverture, il te serra nécessaire de réaliser ta mise au point de manière extrêmement précise pour que ton sujet soit net. 

Mais si tu débutes, il y a peu de chance que tu possèdes un zoom à ouverture f :2,8 constante (ils ne sont pas donnés). Pour des raisons économiques les constructeurs fabriquent des zooms grand public à ouverture minimum variable et souvent, aux focales les plus longues, on se situe entre f : 4,5 et f : 5.6, donc cela joue en ta faveur coté mise au point. Tu vois que ton matériel "de base" n'est pas si mal !

On enchaîne ? 

La vitesse 

Dernier paramètre à prendre en compte : la vitesse de déclenchement. En gros sur un appareil standard, celle-ci s'étend de plusieurs secondes (on parle de pose longue) à 1/1000 de seconde (c'est déjà super rapide !). 

En photographie de concert, je le répète, ça bouge ! Les artistes, mais également toi le photographe qui s'est rapproché au max du pogo ou qui est coincé contre la barrière pendant que ça se bouscule derrière.

Tu vas donc être exposé à deux types de flou, un flou lié aux mouvements du sujet, et un flou lié à tes propres mouvements (les flous de bougé)! 

Et pour corser le tout, plus ta focale sera importante, plus les flous de bougé seront fréquents si tu ne prends garde à sélectionner la bonne vitesse. En gros c'est comme quand tu regardes dans des jumelles, si tu n'arrêtes pas de trembler, le petit oiseau que tu es en train de regarder a du mal à être net.  

Une règle à avoir en tête pour limiter les flous de bougé est de ne pas descendre en dessous d'une vitesse égale à la focale utilisée. 

Ex : 

  • avec un 50mm -> 1/60ème de seconde 
  • avec 100mm -> 1/125ème de seconde.

Personnellement, je me calle souvent au 1/125ème et il est rare que je change de valeur. Si le groupe est très énervé sur scène, je monte au 1/250ème, mais je vais rarement au-delà car sinon, je n'ai plus assez de lumière pour faire une belle photo (on parlait de compromis tout à l'heure, en voilà un nouveau). 


Auto ou manuel ?

On a vu les 3 différents paramètres à contrôler afin de produire des images correctement exposées (on parle de "triangle de l'exposition"), mais comment utiliser son appareil pour les modifier ?

Un boîtier possède généralement quatre modes (plus 1) de sélection des paramètres : 

  • tout auto : le boîtier choisit pour toi un couple vitesse/ouverture à partir de la mesure de lumière qu'il effectue.
  • priorité vitesse : tu choisis une vitesse et ton boîtier adapte l'ouverture à partir de la mesure de lumière
  • priorité ouverture : tu choisis une ouverture et ton boîtier adapte la vitesse à partir de la mesure de lumière
  • manuel : tu choisis l'ouverture et la vitesse sans tenir compte de la mesure de lumière faite par ton appareil.

Il existe aujourd'hui sur les appareils numériques un "mode" supplémentaire (une fonction plutôt) que j'évoquerai par la suite, il s'agit du réglage " iso automatique". 

Si tu débutes, je te conseille : soit de rester en tout auto (ce n'est pas une honte du tout, il y a plein de photographes pros qui commencent leur shooting avec ce mode), soit de passer en manuel avec les réglages suivants : 

  • iso : 2000
  • vitesse : 1/125ème
  • ouverture : f:2 ou valeur la plus basse que te permets ton objectif

Etsi en contrôlant les premières photos sur l'écran arrière de ton appareil tu te rends compte que l'image est trop sombre, monte d'un cran tes iso. 

Pour les autres, je vous conseille vivement d'utiliser également le mode manuel pour les raisons suivantes : 

  • tu contrôles réellement tous les paramètres de ta photo
  • si tu choisis le mode priorité vitesse, ton boîtier va probablement se caler uniquement à la valeur mini d'ouverture (occasionnant une trop faible profondeur de champ parfois, comme on l'a vu plus haut)
  • si tu choisis le mode priorité ouverture, ton boîtier va se caler à la vitesse qui pour lui est la plus adaptée (je précise qu'il ne réfléchit pas, c'est juste une machine) et donc en concert, il va souvent sélectionner une vitesse excessivement basse, parfois même de l'ordre de la seconde ! Je te laisse imaginer le résultat
  • ça fait plus pro, tu peux te la jouer en disant que toi tu fais des photos en mode manuel (je rigole, et je le répète, il n'y a aucun problème à utiliser les automatismes de son appareil, ils sont faits pour cela quand les conditions le permettent et dans d'autres situations je les utilise souvent). 

Bref, tu l'auras compris, je shoote mes concerts en manuel ! Après, c'est ce qui me convient le mieux, donc libre à toi de tenter d'autres méthodes. 

ISO Auto / ISO Manuel 

Je viens du monde argentique dans lequel il n'est pas possible de changer la sensibilité iso à chaque prise de vue. J'ai donc conservé l'habitude d'avoir ce réglage fixe. Là encore, je suis donc en sélection ISO Manuel et veille à travailler à la valeur la plus basse possible tout en contrôlant que l'exposition soit bonne sur l'écran de mon appareil. 

J'ai testé le mode ISO Auto (qu'il faut dans ce cas brider à la valeur max selon moi de 6400 iso), mais mon appareil sélectionnait seulement la valeur maximum...donc pas probant pour moi, je suis revenu au mode ISO Manuel. 

Bon, voilà, j'en ai terminé avec les notions techniques de prise de vue en concert, et si on parlait réellement photographie maintenant ? 


C'est quoi une bonne photo de concert ? 

J'ai volontairement choisi la photo ci-dessus que certains pourraient juger "ratée" pour introduire ce paragraphe : les couleurs sont fades, il y a du grain, le cadrage est approximatif, on ne voit pas le détail du visage du sujet, etc.

Oui mais pour moi cette photo fonctionne, alors tentons de répondre à la question : c'est quoi une bonne photo de concert ? 

La lumière 

Difficile de parler de photographie sans évoquer l'importance de la lumière. C'est avant tout cela que l'on essaye de capter avec nos appareils, alors pourquoi ne pas jouer avec elle pour la magnifier ? 

En concert peut-être plus qu'ailleurs, la lumière joue un rôle essentiel. Elle vient éclairer les sujets de manière particulière et, comme je l'ai évoqué, de manière changeante aussi ! Et ça c'est une bonne nouvelle pour nous photographes ! En effet, l'ingé lumière fait finalement le boulot pour nous, alors soyons attentifs et regardons ce qui se passe à ce niveau. On se retrouve sans l'avoir demandé dans un studio géant, génial ! A nous de savoir en tirer parti !

La lumière, c'est avant tout une question de direction, d'intensité et de taille relative de la source lumineuse. Il va falloir observer tout cela pour arriver à en faire ressortir le meilleur. Si tu as déjà une expérience en studio, tu sais de quoi je parle, pour les autres, shootez, shootez encore, dans plein de conditions différentes et regardez le résultat. Je préfère de loin cette méthode à celle plus théorique basée sur les trois paramètres évoqués plus haut. En effet, premièrement en concert, on ne contrôle pas la lumière, on la subit, deuxièmement, la photo c'est avant tout une émotion, donc enregistre l'émotion qui te traverse au moment où tu as l'impression de saisir une "belle lumière", ton corps tout entier s'en rappellera et saura te faire appuyer sur le déclencheur au bon moment la prochaine fois !

On ne peut pas parler de lumière sans évoquer son pendant : l'ombre, ou plutôt les ombres ! Là encore, tire partie de ce qui n'est pas éclairé pour faire ressortir ce qu'il l'est, quitte à jouer avec les règles classiques de composition et faire "exploser le cadre" !

La composition  

Je ne vais pas trop m'attarder là-dessus, mais juste dire que c'est quelque chose qui se travaille, s'expérimente, et également se ressent. Tu verras petit à petit qu'il y a des choses qui "fonctionnent" et d'autres qui tombent à plat. Mais là encore, l'important c'est d'essayer, et encore essayer jusqu'à ce que ça tombe "juste".

3 petites astuces cependant : 

  • Comme avec la lumière, prends l'habitude d'observer ce que tu as sous les yeux. Amène ton appareil jusqu'à ton œil et vise, sans déclencher. Si tu as suivi mes conseils, tu possèdes une focale fixe, alors utilise tes pieds pour modifier ton angle de prise de vue, incline ton corps, ta tête pour faire basculer le cadre, déplace toi autours de la scène pour trouver le cadre qui te convient et là clic ! Tu verras à la longue qu'il y a des positions, des angles vers lesquels tu reviens souvent car ils accentuent telle partie de l'image. Bref tu vas apprendre de tout cela et la question de la composition sera plus naturelle.
  • L'instant décisif : tu as peut-être déjà entendu cette expression formulée par l'immense photographe Henri Cartier Bresson (si tu ne le connais pas, arrête de lire mon article et file à la médiathèque la plus proche découvrir un de ses livres, je ne rigole pas!). Sa méthode était la suivante : il repérait un environnement, un cadre intéressant et se postait là, à attendre qu'un sujet passe dans ce cadre, à l'endroit qu'il avait en tête et alors, il le saisissait, tel un archer zen (une de ses inspirations), et la plupart du temps il faisait cela au vol !  Tu peux donc faire de même : tu as dans le viseur un cadre intéressant, alors attend que ton sujet se place dedans. Observe ses mouvements pour anticiper à quel moment il va "venir" à toi. Il est rare qu'un musicien soit imprévisible dans ses gestes ou ses attitudes. Sur scène, il "circule" souvent dans le même périmètre. Plus tu pratiqueras cette méthode, plus il te sera naturel de sentir à quel moment il faut déclencher. 
  • Le recadrage : au risque de faire hurler le même Henri Cartier Bresson (il interdisait la publication de ses photos si elles étaient recadrées), essaye en post-production de multiples recadrages d'une photo que tu trouves "bien mais sans plus", jusqu'à trouver quelque chose qui fonctionne mieux. C'est bien un avantage du numérique que de pouvoir faire des essais à l'infini alors on aurait tort de s'en priver ! Mais ne t'arrête pas là surtout ! Analyse le résultat une fois que tu as trouvé le cadre qui te convient et enregistre-le de manière à utiliser ce que tu as appris lors de ton prochain concert. 

L'émotion 

Un concert, rappelons-le, est un moment fugace et précieux au cours duquel un artiste, un groupe, se produit sur scène pour jouer sa musique et te faire vibrer en ajoutant au plaisir des oreilles, celui d'avoir sous les yeux, en chair et en os, celui ou celle que tu aimes pour ce qu'il/elle te donne à entendre chez toi, dans ta voiture, dans un bar ou en soirée et que cela t'émeut

Si tu m'as lu jusque-là, très bien, car on va maintenant parler du principal selon moi quand il s'agit de photo de concert (et de photographie tout court cela dit): l'émotion !

La photographie est un art, et comme tout art, l'un de ses "rôles", est d'interpeller celui qui reçoit le produit de cet art au niveau de son cœur, de ses tripes, de lui faire vivre une expérience, un instant plus ou moins long au cours duquel le ressenti prime sur le reste. S'affirment alors sa sensibilité, ses goûts et ses préférences dans l'intérêt qu'il porte à ce qu'on lui propose, mais l'idée est qu'il se passe quelque chose en lui, qui le traverse et dans le meilleur des cas, le transporte. 

Cela peut paraître un peu pompeux dit comme ça, mais c'est en tout cas comme ça que je vois les choses et c'est la direction que je suis pour développer mon travail photographique. Car je ne connais pas de manière plus géniale pour me sentir vivant que d'amener les autres à ressentir quelque chose pour ce qui m'a initialement séduit. Et dans un monde en quête de sens, qui artificialise chaque jour un peu plus les rapports humains, cette manière d'entrer en relation avec l'autre me parait essentielle. Pas toi ? 

Ce qu'il y a d'extraordinaire avec la photo de concert (et plus largement la photo relative aux arts de la scène) c'est qu'il s'agit de faire de l'art (de la photo donc) à partir d'un autre art(de la musique). 

Il m'apparait donc nécessaire de s'attacher, à chaque fois que tu sors ton appareil et le portes à l'œil, à traduire les émotions qui te traversent. Au début, pose-toi la question de manière consciente en ces termes : qu'est ce que ma photo tente de saisir, de dire ? Est-elle chargée d'émotions ? Est-ce que l'intensité du concert sera reflétée par mon image si je déclenche à cet instant. Répète-toi ces petits mantras jusqu'à ce que cela devienne peu à peu naturel et tu vivras des moments rares je te le promets, en plus de produire de plus belles images qui retiendront l'attention de ceux à qui tu les montreras. 

Quelqu'un m'a écrit récemment ces mots, à propos de mon feed Instagram: "Tous les jours je regarde tes posts, et j'ai l'impression d'avoir été à tes concerts". Je ne vois pas de meilleur compliment, car en définitive tout est là : si celui qui reçoit mes photos est, comme par magie, transporté au milieu du concert que moi j'ai vécu, et ressent ce qui s'y est passé au travers d'une seule image, c'est que j'ai produit quelque chose de bien. 

Voilà donc un autre de mes conseils si tu souhaites progresser : soumets tes photos au regard des autres, observe leur réaction(qu'elle soit agréable ou désagréable n'est pas le principale),observe surtout les émotions que cela leur procure, il y a tant à faire vivre avec une photo : du rire, de la tristesse, de l'enthousiasme, de l'empathie, etc... 

Ecoute les critiques constructives et argumentées aussi. Mais n'écoute pas celles qui ne le seraient pas et qui ne témoigneraient finalement que des goûts de celui qui les formule. Enrichis-toi de tout cela pour faire évoluer ta photo peu à peu, remets-toi en cause pour toujours essayer quelque chose que tu n'as pas tenté, mais ne perds pas confiance en toi et développe une attitude optimiste lorsque tu pars de nouveau "faire des photos". Nourris-toi de chaque occasion pour engranger de l'expérience. Et dis-toi que malgré les conditions parfois difficiles (absence de lumière ou éclairage trop violent dans le cadre, pied de micro et câbles en plein milieu et qui te gênent), au moins une belle photo existe dans l'instant que tu vis et attache toi, avec frénésie, à aller la chercher ! 

Même si tu ne ramènes pas la "plaque" du siècle(car toutes les pêches ne sont pas miraculeuses), tu auras au moins vécu quelque chose de précieux qui te servira la prochaine fois ! 

Un commentaire, une question par rapport à cet article, n'hésite pas à me contacter ! 

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