La Clarée
Je t’ai confié mon envie de te regarder,
en t’invitant à ce que tu me regardes.
Nous avons passé ensemble les frontières de territoires méconnus,
celles de nos dimensions cachées,
et les paysages intérieurs se sont dévoilés.
Plus tard je comprendrai que les paroles n’ont finalement
que peu d’importance. La présence, la proximité des corps,
cette tendresse qui t’est refusée, c’est déjà tout.
Si au fil du temps les itinéraires ont changé, passant du Col de l’Echelle qui débouche sur la vallée de la Clarée, au Col de Montgenèvre, le phénomène migratoire observé depuis l’hiver 2016 dans le briançonnais existe toujours. Ainsi, au cours de l’année 2022, plus de 5000 exilés ont franchi à cet endroit la frontière franco-italienne.
Mu par la volonté d’appréhender cette réalité par moi-même, de l’éprouver pour tenter d’en saisir toute la complexité, j’ai mis mes pas dans ceux des hommes, femmes et enfants, qui chaque nuit à plus de 1800 mètres d’altitude, tentent de franchir la frontière.
Devenu participant aux côtés des solidaires, je suis allé de manière concrète – libre – à la rencontre de, et j’ai pu développer des relations fécondes, celles qui permettent de construire une pensée critique basée sur l’expérience.
J’ai ressenti le désir de contribuer « à développer le sens de l’identité personnelle aux dépens de l’aliénation », de participer « aux retrouvailles de l’homme avec lui-même » (Edward T. Hall - La dimension cachée - 1966).
Et tout en réalisant mes photographies, je n’ai cessé de m’interroger sur les moyens à notre disposition ou à créer qui permettraient de construire des relations humaines dénuées du sentiment de peur et in fine de violence, de conflit.

Dans un ancien blockhaus, dans le noir, des exilés attendent la nuit pour passer la frontière. Clavière, Italie

Dans un blockhaus servant de refuge aux exilés attendant la nuit pour passer la frontière, Clavière,

Simo cueille l’extrémité gelée d’une branche de pin dans la vallée de Cervières. Ponctuellement, cette vallée a été empruntée par les exilés pour rejoindre Briançon depuis l’Italie.

Pont sur la Durance, à la sortie du village de Montgenèvre. Permet de rejoindre le GR5 qui conduit à Briançon au terme d’une marche de plusieurs heures.

Fer barbelé, blockhaus italien, col de l’Echelle.
En 1947, ce territoire italien devient français

Abri de la ligne Maginot, bois de Sestrière, commune de Montgenèvre. Certains de ces ouvrages servent d’abri aux exilés lors de leur marche vers Briançon. Celui-ci possède une porte verrouillée avec code d’accès et système d’alarme.

Ancien blockhaus, zone d'attente où se cachent les exilés avant de passer la fronctière. Clavière, Italie

Trace de dameuse, piste bleue du Vallon, empruntée la nuit par les exilés pour rejoindre Briançon après avoir franchi la frontière, station de ski de Montgenèvre.

Dispositif de retenu de blocs de pierre, dans le lit du Rio Secco, commune de Montgenèvre. Le Rio Secco est franchi chaque nuit par les exilés qui traversent la frontière franco-italienne.

Mur des Aittes. Construit en 1898-99 pour barrer la trouée du vallon de Cervières.

Vallée de Cervières, ponctuellement, cette vallée a été empruntée par les exilés pour rejoindre Briançon depuis l’Italie.

Blockhaus de la ligne Maginot, ravin de Rachas. Le 19 novembre 2022, un guinéen de 20 ans chute et se blesse à la tête dans ce ravin.


Blouson abandonné par un(e) exilé(e) lors de sa marche vers Briançon après avoir franchi la frontière. Piste de descente de VTT des Gondrans, Bike Park de Montgenèvre.

La Clarée, hameau de la Vachette. Le 7 mai 2018, Blessing Matthew, une nigériane de 21 ans, chute dans la rivière à cet endroit alors qu’elle est poursuivie par des gendarmes. 2 jours plus tard, son corps est retrouvé dans la retenue du barrage des Prelles.
Série argentique réalisée entre 2022 et 2024.